Créer pour mieux se re-créer


- La créativité se définit simplement comme la capacité à générer du nouveau, d’extraire de nouvelles idées de nos pensées, et d’oser les réaliser. C’est grâce à notre imaginaire que nous pouvons réinventer le monde mais sans le geste concret qui traduit la pensée, nous demeurons au stade du rêve éveillé. La créativité nécessite cette transition entre le rêve et la réalité : un passage de la créativité primaire (interne, désorganisée) à la créativité secondaire (organisée, structurée) qui est favorisée par l’art-thérapie.


- Il est reconnu que nous avons tous, sans exception, un énorme potentiel créatif enfoui en nous et que ce potentiel peut être éveillé à tout moment de notre vie. Plus encore, le potentiel créatif n’est jamais altéré et ce, jusqu’à notre dernier souffle. D’où l’intérêt de l’utilisation d’activités artistiques chez les personnes âgées ou atteintes de maladies neuro-dégénératives.


- L’humain est un être créatif et c’est grâce à sa créativité qu’il a pu survivre et surmonter les obstacles (quand les contraintes sont des moteurs pour la créativité, par exemple avec le mouvement Oulipo).


- Mais renouer avec son potentiel créatif nécessite une forme d’éducation, de déconstruction d’habitudes acquises mais aussi de savoirs, et une ouverture d’esprit qui favorise une perception et une réflexion plus larges. Pourquoi une déconstruction ? Parce que les modes de vie actuels dans les sociétés dites modernes nous ont fait perdre la notion du temps. Peindre aujourd’hui relève d’un acte de résistance face à la tyrannie de la vitesse. Nous ne savons plus profiter, voire savourer, l’instant présent. Nos futurs et nos tâches sont planifiés en fonction de bénéfices à obtenir, d’idéaux à accomplir, ce qui nous forcent à penser nos activités de façon optimale. Cette façon de vivre nous prive de la jouissance pleine et entière de l’instant présent.


- De façon plus générale, le passage de l’enfance à la vie adulte nous amène à délaisser le monde de l’imaginaire, du rêve et du fantasme. Le système scolaire est basé sur un seul mode de pensée qui privilégie la rationalité, la logique et l’efficacité. Ceci en vue d’une meilleure intégration dans la vie dite « active ». Mais les élèves ne sont ni éduqués, ni valorisés dans leur capacité à remettre en question l’information, ou à la voir autrement. L’esprit critique est absent et le système éducatif est uniquement fondé sur la recherche de la bonne réponse. Or, ce qui est vrai en mathématiques ne l’est pas dans la vie qui est très ambigu : il y a de nombreuses bonnes réponses, tout dépend de ce que l’on cherche.


- Pourtant, dès sa naissance, l’humain porte en lui la capacité d’explorer un problème de multiples façons : pour connaître un objet, un enfant va utiliser tous ses sens : exploration visuelle, tactile, sonore, voire olfactive et gustative. A cela, s’ajoutent le jeu, la symbolique, la fantaisie, la métaphore. Contrairement à l’adulte, l’enfant qui n’est pas formaté, va utiliser un éventail très large des modes de pensée. En grandissant, la survalorisation de la pensée logique et analytique va se faire au détriment d’une appropriation plus large de notre monde. Or, bien des problèmes rencontrés au cours de la vie ne peuvent se résoudre de façon logique. Notre capacité à affronter un/des problèmes sera d’autant plus efficace que notre registre de stratégies sera plus étendu. Le travail de création favorise ainsi la restauration de la pensée divergente, autrement dit cette capacité à s’ouvrir à plusieurs perceptions, plusieurs idées, plusieurs propositions sur un même concept ou une même situation. Nous apprenons alors à regarder autrement un problème, nous apprenons à le retourner dans tous les sens pour ensuite générer des solutions.


- En règle générale, on estime que l’acte de création est généré par un transfert d’affect ou d’impulsion (sublimation), par un besoin de compensation, ou encore qu’il est une régression au service de l’ego. Cependant, depuis plusieurs années, une conception de la créativité beaucoup plus positive est apparue. On estime ainsi que le processus créatif a des pouvoirs qui dépassent de très loin le besoin de compensation ou d’effets réparateurs temporaires et que la créativité pourrait être l’expression de l’individu normal dans son degré le plus élevé de santé. Le processus créatif peut donc procurer de la joie, du bien-être, voire de l’extase et se mettre ainsi au service d’un épanouissement (notamment grâce au déblocage des émotions et à leur expression).


- En art comme en art-thérapie, la création artistique sert de pont entre le monde intérieur et le monde extérieur. L’art fait office de médiateur entre l’inconscient et le conscient. En art-thérapie, c’est à cet aspect-là que l’on s’intéresse. En revanche, entre les deux disciplines réside une différence majeure : l’importance du processus créatif en art-thérapie par opposition à la qualité du résultat dans l’art.